Alors qu’Éric Besson, l’ancien ministre de l’Industrie et de l’Énergie a annoncé en 2011 que les consommateurs n’auront pas à payer un centime pour l’installation de leur compteur Linky, la réalité risque d’être différente. En effet, d’après le Parisien, les particuliers devront rembourser 130€ à partir de 2022 pour l’installation de leur compteur électrique de couleur verte. À l’époque, leur installation et le fait qu’ils soient communicants avaient fait polémique. De nombreux particuliers ne souhaitaient pas voir de compteur Linky installé chez eux. Avec cette nouvelle, la polémique risque de reprendre de plus belle. Décryptage.
Rectification : pas de frais supplémentaires pour les particuliers ?
Selon une information du Monde parue ce jour, le remboursement des frais liés aux compteurs Linky ne devrait occasionner aucuns frais supplémentaires aux particuliers. Le quotidien relaie des propos d’Emmanuelle Wargon, ministre déléguée à la transition écologique, énoncés à l’Assemblée Nationale. Selon elle, « Les particuliers ne paieront pas un coût supplémentaire dû à Linky. […] (la CRE) a vérifié et confirmé que le coût total du projet sera inférieur au budget initial et que des économies de charges prévues seront bien au rendez-vous, et donc incluses dans ce tarif.«
Compteurs Linky : un coût de plusieurs milliards d’euros que les contribuables devront commencer à rembourser en 2022
Aujourd’hui, les compteurs Linky équipent plus de 90% des foyers français et le moment de régler la facture est venu, malgré les promesses des autorités publiques. En effet, en 2011, date du lancement du chantier, Eric Besson, ministre de l’Industrie et de l’Énergie, n’hésitait pas à clamer haut et fort au micro du Parisien que le nouveau compteur Linky ne coûterait « pas un centime aux particuliers« . En prononçant ces mots, le ministre de l’époque savait déjà pertinemment que ses propos étaient mensongers.
Effectivement, en 2011, son cabinet travaillait avec EDF à l’élaboration d’un montage financier avantageux. On rappelle également que l’État était actionnaire du fournisseur d’énergie à hauteur de 83,68%. Trois ans plus tard, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) détaillait dans une délibération ce montage financier. En 2018, c’est la Cour des comptes qui a analysé cette dernière, qualifiant les conditions de l’opération comme « avantageuses pour Enedis » avec « un financement assuré par les usagers« .
À partir de 2022, c’est donc les particuliers qui vont devoir rembourser l’installation de leur compteur Linky. En tout et d’après les calculs de la Cour des comptes, le montant de cette opération s’élève à 5,7 milliards d’euros. Ce qui représente un coût de 130€ par boîtier, fabrication, pose et frais annexes inclus.
Le projet des compteurs Linky : un montage financier habile qui permet à Enedis de gagner gros
Sur les 5,7 milliards d’euros, c’est Enedis qui porte la majeure partie du coût. Sur les 5,39 milliards d’euros investis, 10% sont prélevés sur fonds propres et le reste est financé par un prêt auprès de la Banque européenne d’investissement (BEI). En plus de profiter d’un taux relativement bas de 0,77%, la manœuvre habile d’Enedis réside dans le fait que ce n’est pas la société qui va rembourser cet emprunt.
À ce titre, c’est bien le consommateur qui va devoir payer au travers d’un mécanisme particulier appelé « différé tarifaire ». Ce dernier permet de décaler le remboursement de quelques années. C’est notamment lui qui entrera en scène en 2022, prélevant ainsi plusieurs centaines de millions d’euros sur les factures d’électricités des particuliers. Au total 2 milliards d’euros devraient être remboursés d’ici 2030.
Comme l’explique le Parisien, les avantages pour Enedis ne s’arrêtent pas là puisque le taux d’intérêt appliqué au remboursement ne sera pas le même que celui de la BEI. Il sera de 4,6% comme l’indique la Cour des comptes dans son rapport. Ainsi, l’entreprise de service public se constitue une marge de 2,8%, environ un demi-milliard d’euros d’intérêts, payés par les particuliers.
Quid des 3,7 milliards d’euros qu’il reste à payer ? Les consommateurs devront-ils encore mettre la main au portefeuille ? De son côté, Enedis affirme que ce montant sera compensé par les économies faites grâce au compteur électrique. Notamment grâce aux relevés à distances qui permettent, selon le groupe, d’économiser un milliard d’euros de charges d’exploitation sur les 4 prochaines années.
Les associations de consommateurs sur le qui-vive
Bien qu’Enedis affirme que le compteur Linky permet de mieux suivre sa consommation et donc de réduire ses factures d’énergie, la réalité est tout autre. Anne-Sophie Dessillons, directrice adjointe des réseaux à la CRE, estime que « si les gains promis par ce nouveau dispositif ne sont pas aux rendez-vous, il ne faut pas se leurrer, avance une source proche du dossier. C’est bien le consommateur et personne d’autre qui payera la différence. Il peut déjà se préparer à sortir jusqu’à quinze euros supplémentaires sur sa facture annuelle pour les sept ou huit prochaines années.«
Devant cette situation, les associations de consommateurs sont sur le qui-vive. Le délégué général de la CLCV (Consommation, logement et cadre de vie), François Carlier affirme que l’équilibre économique est loin d’être garanti pour le consommateur. De son côté, Jean-Luc Dupont, vice-président et porte-parole de la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies) explique que les particuliers n’ont pas à payer pour un compteur qui profitera uniquement aux distributeurs d’énergie. Déjà en 2018, UFC-Que choisir avait déposé une pétition pour refuser de payer pour Enedis. Affaire à suivre donc.
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